LA DÉPRESSION DU POST-PARTUM

Mai 14, 2019 | 2 commentaires

Dernière mise à jour le 27 juillet 2023

Ma dépression

Sujet douloureux. Pour moi, le plus dur à rédiger.

Saleté de maladie qui me happe, qui m’étouffe, qui m’empêche d’avancer. Et dont je n’avais jamais entendu parler…

Qui s’immisce dans ma vie, je ne la sens pas arriver. Je ne la vois pas venir.

Je sens que quelque chose ne va pas, je ne suis pas maître de mes émotions. Je suis sur le fil du rasoir, à tout moment tout peut basculer.

Je suis à fleur de peau, je ne supporte plus de m’occuper de cet enfant qui pleure, de cet enfant qui me demande alors que je suis incapable de respirer, qui me sollicite pour manger, pour jouer, pour vivre.

Devoir penser pour deux, tout le temps. M’oublier, pour ne penser qu’à lui.

Ne plus penser à ce que je veux, ce dont j’ai besoin. Ne plus savoir. Ne plus ressentir la faim, ne plus me laver, ne plus avoir aucune envie, aucune émotion.

Ne vivre que pour lui, à travers lui.

Je lui en veux, terriblement.

Mais lui en vouloir de quoi ? D’avoir été conçu ? D’avoir été désiré ? D’avoir été ma plus grande réussite ?

Alors je culpabilise. Je me dis que je suis une mauvaise mère, que je ne mérite pas cet enfant.

Mon mari ne me comprend pas.

Comment je peux être fatiguée alors que je suis toute la journée à la maison, que je peux dormir quand il fait ses siestes, que je n’ai rien d’autre à faire que de m’occuper de notre enfant ?
« Et puis le baby blues, à la maternité, ils nous ont dit que ça allait durer trois, quatre jours. Là, ça fait trois, quatre mois. Arrête ton cinéma.»

Et puis un jour, tout bascule. J’ai franchi la ligne, je suis passée de l’autre côté.

Je dois me faire retirer un bout de placenta qui est resté dans mon utérus. J’ai accouché par césarienne, c’est normalement impossible. Mais ça m’arrive. 4 mois après mon accouchement, anesthésie générale, l’opération se passe très bien, 20 minutes après je suis en salle de réveil.

Mais, je ne me réveille pas.

7 crises convulsives, on me place dans un coma artificiel. Je suis en réanimation.

Mon mari pense que je vais mourir, ma mère pense avoir perdu sa fille.

Je me réveille, mais je suis incohérente, j’ai du mal à parler, je ne bouge pas mon bras gauche, je ne me souviens même pas de Loulou.

Pour moi, nous sommes toujours le 18 janvier. Nous sommes en réalité le 23. Je pense que nous sommes en 1990, que Louis est un roi et que c’est aussi le prénom de mon grand-père. Je n’ai pas d’enfant. Notre président de la République est Valéry Giscard d’Estaing.

Des dizaines et des dizaines de tests sont réalisés tous les jours. On pense à un AVC, puis à une tumeur du cerveau, tout est écarté.

Un psychiatre me consulte après plusieurs jours, pour lui c’est sans appel . Je fais une dépression du post-partum.

Lors de la consultation, je me rappelle que j’ai un fils, je me rappelle de Loulou.

Pour le psychiatre, c’est très clair. Mon cerveau a voulu se mettre en veille à la suite de l’anesthésie générale. Il a simplement voulu se reposer, il n’a pas voulu se réveiller.

Il était en surchauffe depuis trop de mois, le manque de sommeil, le stress, les angoisses l’ont poussé à faire une pause. Pour survivre.

Mon mari se prend toutes ces explications en plein visage. Je l’avais pourtant alerté, je lui avais pourtant dit que j’étais fatiguée. J’aurais pu mourir à cause de ces œillères. Il s’en veut. Je lui en veux aussi.

Je sors de l’hôpital, mais le psychiatre veut me faire interner, pour que je puisse me reposer.

Il en est hors de question, je ne suis pas une folle, pour moi les hôpitaux psychiatriques sont pour les fous, j’ai une vision totalement erronée de la psychiatrie, j’en ai peur, et surtout, je veux voir mon enfant, il est déjà resté trop de temps sans sa mère. Alors je m’échappe. Mon mari, ma mère et mon frère sont là. Ma sœur garde Loulou. Ils n’ont pas d’autre choix que de me suivre, de m’escorter jusqu’à la maison.

L’hôpital psychiatrique est à 500 mètres de chez moi.

Je titube, je suis complètement droguée par les médicaments, mon cerveau n’est pas encore ultra connecté, mais je n’ai qu’un seul objectif, retrouver mon fils, le serrer dans mes bras et lui dire que maman est désolée.

J’arrive à la maison, mon fils dort.

Je rentre dans sa chambre, je le vois dans son petit lit, tout apaisé, je me fige.

Une énorme vague d’émotion m’envahit, la même que le jour de sa naissance. Je l’aime, c’est mon fils, c’est ma chair, c’est mon amour, c’est mon tout.

Il doit sentir ma présence, se réveille, me regarde. Ne pleure pas. Ne bouge pas.

Il me tend juste sa petite main et me sourit.

Je lui embrasse les doigts, le bout du nez, le front. Je lui dis que maman l’aime, que maman ne l’abandonnera plus jamais. Il se rendort instantanément.

Le chemin contre la dépression a été long, 18 mois. 18 mois de haut et de bas, d’envie de hurler, de pleurs, de cris. De traitements.

Mais aussi de moments intenses, de bonheurs indescriptibles.

Mais, au moins, je savais. Je savais que ce qui causait cet état, mes sautes d’humeurs, c’était la maladie. Ce n’était pas mon fils et ce n’était pas de ma faute.

J’ai eu la chance d’être très bien entourée par ma famille, mes amies.

Nous avons déménagé, nous avons quitté Paris pour nous installer à Aix-en-Provence. Envie de tourner la page, de nous recentrer sur nous-mêmes, de réapprendre à vivre tous les trois.
J’ai rencontré une psychologue (après avoir été suivie par deux psychiatres différents sur Paris), spécialisée dans les relations mère-enfant. Elle a été d’un soutien énorme. Elle m’a aidée à aller de l’avant.

Puis un jour, je n’ai plus envie de prendre mon antidépresseur. Je n’ai plus envie de prendre mon somnifère.

J’étais guérie.

Que faire si vous pensez être concernée par une DPP ?

Je pense à toutes ces femmes qui sont touchées par cette maladie, mais qui ne le savent pas, qui ne sont pas soutenues, à qui on ne dit pas les choses.

Je pense à toutes ces femmes qui en arrivent au pire, à s’ôter la vie, à ôter la vie de leurs enfants.

Mesdames, si vous lisez ces mots et que vous vous sentez dépassées, que vous vous sentez fatiguées, parlez-en.

Un baby blues ne survient que quelques heures à quelques jours après l’accouchement et ne dure que quelques heures, quelques jours. La DPP peut survenir jusqu’à un an après la naissance et se caractérise par une fatigue extrême, un rejet de l’enfant, une irritabilité, un manque d’envie personnel (de soin, de sortie, baisse d’appétit…).

  • Vous pouvez en parler à votre médecin de famille, votre gynécologue ou votre sage-femme. Ces personnes pourront vous aider à trouver un professionnel capable de vous aider.
  • Vous pouvez aussi prendre RDV avec un psychiatre, qui sera en partie remboursé par la sécurité sociale (attention, certains psychiatres prennent de gros dépassements, veillez à ce que qu’ils soient de secteur 1) et qui pourra au besoin vous aider avec un traitement contre l’anxiété.
  • La PMI de votre ville est disponible pour vous recevoir et vous aider à retrouver la paix. Psy, puéricultrice, conseillère conjugale… beaucoup d’aides peuvent être mises en place pour vous soulager.
  • Le CMP (centre médico-psychologique) de votre ville également peut vous recevoir gratuitement pour un suivi psychologique, n’hésitez pas à le contacter.
  • Sous certaines conditions, vous pouvez avoir droit à l’aide d’une TISF, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de votre CAF.
  • Si vous travaillez, le médecin du travail est disponible pour vous aider à traverser une épreuve difficile.

Si votre entourage ne comprend pas votre « je suis fatiguée », essayez de leur exprimer des mots plus forts : je suis épuisée, je n’y arrive pus, j’ai besoin d’aide, j’ai peur, je ne vais pas y arriver sans ton aide. Parfois l’entourage ne comprend pas et ne voit pas la douleur chez une mère. À vous de vous faire entendre afin d’obtenir l’aide et la considération que vous méritez.

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2 Commentaires

2 Commentaires

  1. Trang

    Merci pour toutes ces info que vous donnez au quotidien et pas que Naruto! Vous êtes une perle !

    Réponse
  2. Aurélie

    Vous avez eu bien raison de laisser ce témoignage car cela arrive très fréquemment. J’ai également eu cette maladie qui a durer environ 18 mois également. J’étais pourtant très contente d’avoir ma fille mais un mois après l’accouchement je ne dormais plus et ensuite tout à basculer, je ne contrôlais plus rien et je ne sentais même plus mon corps. C’est dur à accepter quant on voit des amies aux anges devant leurs enfants, on se sent seule, incomprise…il faut donc se faire aider et surtout pas se culpabiliser.
    Aurélie,

    Réponse

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